Les Arvernes apparaissent dans l’histoire à la fin du IIIe s. avant J.-C. dans le récit de la seconde guerre punique.
Selon l’historien latin Tite-Live, qui écrit deux siècles après les événements, les troupes d’Hasdrubal auraient en effet reçu le concours des Arverni lors de leur traversée du Languedoc, en 207, ce qui situe ce peuple non loin de la Méditerranée. Les sources ne deviennent nombreuses qu’un siècle plus tard, à la suite de la confrontation militaire des Arvernes avec les armées romaines dans la vallée du Rhône.
Au Il’ s. avant J.-C., les Arvernes disposaient donc, si l’on en croit les auteurs classiques - notamment Strabon -, d’une grande puissance militaire et d’un pouvoir qui s’étendait à l’échelle de la Gaule. Comme cette réputation rehaussait le prestige des troupes romaines qui avaient anéanti l’armée arverne de Bituit dans la vallée du Rhône en 121, on peut soupçonner nos sources, toutes du parti des vainqueurs, d’avoir quelque peu exagéré la réalité.
La brève mais brillante apparition de Vercingétorix sur le devant de la scène militaire au cours de la dernière année de la guerre des Gaules est l’occasion pour le conquérant romain de réanimer les vieux clichés de propagande : selon César, les Arvernes jouissaient un siècle auparavant du contrôle (en latin : imperium) de la totalité de la Gaule
Bien longtemps après, au début du XXe s., l’historiographie française a repris à son compte le même discours, pour servir des desseins tout différents. On parle désormais, à la suite de Camille Jullian, d’un « empire arverne », première réalisation d’une nation gauloise appelée à défier les siècles et les barbares germaniques, d’Arioviste à... Guillaume II. Même en se gardant de ces excès, explicables par le contexte politique dans lequel ils ont été forgés, il n’en demeure pas moins que les Arvernes sont parmi les populations de la Gaule chevelue les plus souvent et les plus anciennement citées par les auteurs antiques ; c’est donc une de celles qui jouissaient des rapports les plus réguliers avec le monde méditerranéen.
De là l’intérêt particulier de l’étude des vestiges archéologiques du second âge du Fer en Auvergne, intérêt rehaussé par la qualité et la densité de ces vestiges, unique à l’échelle de l’Europe moyenne. On n’insistera sur les problèmes de chronologie, pourtant cruciaux pour cette période où la France centrale entre dans l’Histoire et où l’on doit donc s’efforcer de replacer les observations archéologiques par rapports à des événements datés, comme la création de la province romaine de Gaule transalpine à la fin du Il’ s. avant J.-C., ou encore la conquête césarienne. On mesurera seulement à partir d’un exemple les progrès effectués dans ce domaine depuis quinze ans.
Au début des années 1980, il semblait en effet encore plausible de dater l’abandon du site de La Grande Borne, des années qui suivirent la conquête romaine. On pense maintenant que cela s’est produit un demi-siècle plus tôt, ce qui oblige à revoir complètement l’interprétation historique du phénomène.
Selon les sources antiques, on peut donc supposer qu’une population qui se désignait elle-même sous le nom d’Arvernes habitait dans le nord du Massif Central au moins depuis la fin du IIIe s. avant J.-C.. On ne peut pas espérer retracer les limites de son territoire à une période antérieure à la conquête. La délimitation de ce dernier est en revanche possible si on l’assimile à celui de la cité gallo-romaine qui lui fait suite. Celle-ci englobe la plus grande partie du diocèse de Clermont. A l’est, la limite avec les Ségusiaves est bien marquée par la ligne de crête élevée des monts du Forez. Au nord, elle s’enfonce en coin dans le département de l’Allier, au contact des Eduens et des Bituriges. A l’ouest, la limite de diocèse semble prolonger fidèlement le tracé des confins avec les Lémovices, comme l’indique la désignation comme fines sur la Table de Peutinger d’une étape de la voie de Clermont à Limoges localisée à Voingt, à la limite de département.
C’est au sud que la restitution des limites est la plus incertaine, dans des zones peu peuplées au contact de régions qui subissaient la main-mise arverne (d’ouest en est : Rutènes, Gabales et Vellaves). Le petit diocèse du Puy, qui correspond assez précisément au bassin versant de la haute vallée de la Loire en amont des gorges qui marquent son entrée dans le Forez, perpétue sans doute les limites de la cité vellave. Ainsi circonscrite, la cité arverne s’identifie à un domaine géographique centré sur la dépression des Limagnes et environnée quasiment de toutes parts de larges zones de confins bien moins hospitalières, pour lesquelles on dispose d’une documentation archéologique assez indigente sur la période. Cette indigence s’explique sans doute par une faible densité d’occupation ancienne, amplifiée par une faible activité moderne génératrice de travaux et de découvertes archéologiques.
La dépression des Limagnes bénéficie de deux avantages. C’est à la fois le point d’aboutissement de tous les itinéraires issus des massifs périphériques et une région extraordinairement propice à l’agriculture à cause de sols très fertiles et faciles à travailler, les « terres noires ». Ces qualités s’accompagnent néanmoins d’une réserve : le caractère naturellement palustre de cet environnement, qui ne peut être maîtrisé qu’au prix d’importants travaux de drainage. Le développement de l’emprise humaine sur les Limagnes exige et reflète à la fois l’émergence d’une population nombreuse et d’une organisation sociale capable de coordonner ces travaux.
On a longtemps cru que la documentation disponible sur l’occupation protohistorique des plaines de la Limagne présentait, sous son apparente richesse, des lacunes qui correspondaient à des périodes d’abandon total, en particulier pour la période moyenne de l’âge du Fer. C’est en particulier le modèle défendu par Daugas et Tixier, qui corrèlent ces supposées lacunes du peuplement avec des périodes de péjoration climatique. En réalité, l’affinement de la connaissance des mobiliers et la multiplication des prospections et des fouilles de sauvetage conduisent à une tout autre vision, du moins pour l’âge du fer.
On sait désormais que la période des VIIe-IVe s. - qui correspond pourtant au maximum de la péjoration climatique de l’âge du Fer - est bien représentée, mais surtout par des sites modestes, très difficiles à repérer. Un certain nombre de ces sites a été identifié grâce au suivi systématique de travaux de drainage et de remembrement, dans le nord de la Limagne, ou encore à l’occasion de fouilles de sauvetage. Les fouilles récentes liées à la construction de la bretelle autoroutière A 71, au nord-est de l’agglomération clermontoise, ont ainsi conduit au repérage de deux sites du VIe s. (dont un associé à un cimetière) et de deux sites du IV’ s. L’avancée la plus spectaculaire des connaissances concerne toutefois la période suivante, les IIIe et IIe s. avant J.-C. Des prospections systématiques développés depuis une trentaine d’années et de la multiplication des fouilles de sauvetage, il résulte en effet une liste pléthorique de sites de tailles très diverses se rapportant à cette époque. Pour bien mesurer à quel point notre perception du peuplement régional à la fin de l’âge du Fer a été bouleversée au cours de la dernière décennie, il faut se rappeler que, jusqu’à la fin des années 1970, on ne connaissait qu’un seul site clairement identifié de cette période, celui de La Grande Borne. La densité de peuplement la plus forte est enregistrée dans la région de Clermont-Ferrand, qui est aussi la plus intensément prospectée.